Le sel marin, l’or blanc de l’Atlantique
On les appelle sauniers au sud de Saint-Nazaire, paludiers, au nord. Mais qu’ils soient de Ré, de Noirmoutier, d’Oléron ou de Guérande, les producteurs de sel marin de la Côte atlantique partagent le même savoir-faire millénaire. Rencontre.
En breton, Gwen Rann désigne le Pays blanc et a donné le nom de Guérande au marais salant le plus célèbre de la Côte atlantique. Ici, comme ailleurs, de gigantesques damiers de bassins larges et peu profonds ponctuent la côte et forment un lien entre l’océan et les terres. Conduite à marée haute à travers les étiers, l’eau de mer circule par un système de dénivellation, depuis la vasière, sorte de réservoir - décantoire, jusque dans les œillets, lieux de récolte de quelques centimètres de profondeur. Dans ce dédale de bassins, l’eau, sous l’effet conjugué de soleil et de vent, finit par s’évaporer et par faire apparaître des cristaux de sel sur les fonds d’argile imperméables. Simple en apparence, cette production de sel de mer tient surtout au savoir-faire des sauniers. Et en cette fin de mois de mars, des hommes et des femmes s’activent dans tous les marais salants. L’heure est au grand nettoyage de printemps.
Entre terre et mer, s'étendent les marais ©l’atelier du sel
Un habit propre au printemps
« Si on soigne bien son marais, il nous le rend », nous confie Gilles Morel, paludier en GAEC avec son neveu Matthieu Le Chantoux sur la presqu’île de Guérande. Et il en réclame du soin ce marais qui, durant l’hiver s’est vu envahir par une couche de sédiments. « Début février, on profite des marées basses pour vider entièrement les bassins, nous explique Sébastien Pommeau, qui exploite également 40 œillets avec sa compagne Karine Baudouin, mais à Noirmoutier. A l’aide d’une ételle, cet outil qui sert aussi à la récolte du gros sel, on dévase le circuit et on le reconstitue, en commençant par les premiers bassins et en suivant le circuit de l’eau. Tout est fait à la main, sans traitement, ni lavage chimique. On retire les salicornes et autres, on aplanit les fonds d’argile pour qu’ils soient le plus régulier, le plus imperméable et le plus propre possible. » Rien ne doit empêcher l’eau de circuler librement. Et Gilles d’ajouter « au fur et à mesure qu’on remet un habit propre au marais, on le remet en eau. Avec les beaux jours qui arrivent, on doit profiter du moindre rayon de soleil pour que le sel commence à cristalliser dès le mois de juin. On n’a pas de temps à perdre. » Les œillets à peine rhabillés, les sels se fixent déjà sur les fonds d’argile bleue et l’eau est presque à saturation, avec plus de 250g de sel par litre quand la mer n’en contient que 30.
L’été signe la récolte
En fonction de la météo, la récolte débute entre fin mai et fin juin. « L’eau commence à briller. On observe, on goûte la saumure. Avec l’expérience on sait que le sel est là. La saison peut démarrer. » Un moment que chaque saunier attend avec impatience. Il faut alors reprendre les bons gestes pour être le plus efficace et récolter le sel le plus blanc possible, car au-delà de l’état des fonds d’argile, c’est aussi la patte du saunier qui fait la qualité de la récolte. Le paludier commence par recueillir la fleur de sel. Elle se forme en une fine couche semblable à du givre, en tout début d’après-midi, au moment le plus chaud de la journée. A l’aide d’une lousse, une sorte d’écumoire, le saunier écume la surface de l’eau avec délicatesse, sans noyer les cristaux de sel, ni toucher le fond argileux pour garder intact leur blancheur. Une fois la fleur récoltée, il peut s’attaquer au gros sel déposé sur les fonds d’argile.
récolte de la fleur de sel à la lousse ©Marais Mounet
Force et délicatesse
Environ 40 kg de gros sel se forment chaque jour dans un œillet. Là encore, le geste est précis. L’ételle permet de pousser le sel vers les bords de l’œillet, avec la vague qu’elle crée. « La technique consiste à s’occuper de l’eau et non du sel, nous confie Gilles. C’est l’eau qui sert à rapporter le sel sur les bords. C’est notre amie. Quand on a compris ça, on ne souffre plus du dos ou des épaules. » Et c’est vrai qu’à les regarder, le geste est très aérien, gracieux même. Bien loin de l’effort physique qu’il nécessite pourtant. « Oui, c’est un travail physique, mais délicat aussi. En fait, il faut surtout être fort dans sa tête, surtout quand il faut attaquer une série d’œillets. J’ai tendance à penser que c’est un travail de moine. Notre geste, répété et maîtrisé, nous permet de penser à autre chose. »
Une récolte au gré du temps
Lorsque le sel est là, il faut le récolter chaque jour, tant qu’il fait beau et qu’il y a du vent. Dès l’aube, avant que le soleil ne soit trop chaud, le saunier se rend au marais pour faire sécher la récolte de la veille, à l’air libre. Sur table en bois pendant 24 heures pour la fleur de sel qui est ensuite conditionnée en sac et stockée au sec. En tas, qu’on appelle des « mullons », pour le gros sel. Il lui faut alors au moins 8 mois pour s’égoutter et bien sécher au soleil (ou sous une bâche les jours de pluie) avant d’être commercialisé. Classé par millésime pour le sel de Guérande, du fait de l’IGP, ce stock permet aussi de faire face aux années moins fastes. Car s’il pleut ou s’il n’y a pas de vent, le sel disparaît, la récolte est compromise. Si bien qu’en année normale, le paludier ne récolte qu’une trentaine de jours dans la saison. A partir de fin septembre- début octobre, la récolte s’espace petit à petit jusqu’à ce que le marais, trop froid, ne « crache » plus de sel. Il est alors temps de le noyer pour éviter le gel de l’hiver et de remiser ses outils.
Jusqu’au printemps prochain…
Lorsque le soleil devient insupportable, le saunier en profite généralement
pour se retirer dans son atelier, faire ses livraisons ou vendre sa production sur les marchés.
Il ne rechausse ses bottes qu’entre 15 et 22h pour récolter le sel
et accueillir éventuellement des touristes en visite. ©l’atelier du sel
La fierté du saunier est de sortir le sel le plus blanc possible,
avec le moins possible d’argile provenant du fond des œillets. ©l’atelier du sel
Les autres sels de France
Le sel n’a qu’une seule origine : la mer. C’est donc tout naturellement dans les marais salants qu’il est essentiellement récolté. Oléron et Ré sont les deux autres sites de la Côte Atlantique à exploiter les marais depuis le XVème siècle. Comme sur Noirmoutier et Guérande, les sauniers sont indépendants ou regroupés en coopérative. En revanche, sur la côte méditerranéenne, le sel est cultivé en Camargue depuis l’Antiquité. Entièrement mécanisé depuis 1950, il est exploité par le Groupe Salins, sous les marques La Baleine et le Saunier de Camargue.
Le sel alimentaire peut aussi être extrait de mines de sel gemme, des gisements souterrains formés de couches de sel marin fossilisé. C’est le cas du sel d’Einville en Lorraine et de celui de Salies-de-Béarn (IGP depuis 2016) dans le bassin de l’Adour. De l’eau douce est d’abord injectée dans les eaux de source souterraines naturellement salées afin d’obtenir une saumure qui est remontée en surface par pompage puis chauffée modérément dans une poêle à sel pour obtenir les cristaux de sel par évaporation. D’où le nom de sel gemme ignigène.
*********************************
Attention à la dénomination « fleur de sel » !
Si, par définition, il s’agit du sel qui se forme à la surface de l’eau, la dénomination revêt des réalités différentes selon les lieux d’exploitation. Sur la Côte Atlantique, c’est une fine couche de sel qui cristallise au plus chaud de la journée et est écumée à l’aide d’une lousse. Egalement fragile et éphémère, la fleur des sels ignigènes correspond à la première cristallisation de la saumure à la surface des poêles à sel et est recueillie délicatement. Elle est aussi vendue sous le nom de « pétales de sel ». En Camargue, c’est une croûte de sel épaisse qui se forme la nuit à cause du choc thermique et que l’on ramasse à la pelle en bordure des immenses bassins.
*********************************
Où trouver ces produits ?
Fleur de sel et gros sel sont en vente sur place, sur les marchés locaux ou sur le site des producteurs :
Sébastien Pommeau et Karine Baudouin, Marais Mounet, 24 rue du Hameau de la Loire 85680 La Guérinière www.seldenoirmoutier.com
Gilles Morel et Matthieu Le Chantoux, GAEC L'Atelier du Sel, 9 Impasse du Breniguen 44350 Saint Molf www.leseldeguerande.fr
Retrouvez ce reportage dans le magazine Papilles n°53, en vente depuis le 14 juin aux caisses des supermarchés.
La Bonnotte, la star de l’île de Noirmoutier
Alors que les pommes de terre sont plantées depuis quelques semaines dans nos potagers (à la floraison des lilas, dit-on), direction l’île vendéenne à l’occasion des 20 ans de la fête de la Bonnotte qui a eu lieu le 29 avril dernier.
A l’arrivée des beaux jours, sur l’île de Noirmoutier, la récolte de la Bonnotte débute par une fête. Il faut dire que c’est un moment marquant de la vie sur l’île que la Coopérative agricole a décidé de célébrer il y a 20 ans. Chaque année, début mai, trois milles curieux et gourmands sont ainsi invités à arracher cette précieuse pomme de terre sur une parcelle dédiée de 2000m2. A la fin de la matinée, 5 tonnes de pommes de terre primeurs sont ramassées à la main. Une technique remise au goût du jour en 1995 alors que la mécanisation avait eu raison de la culture de cette petite pomme de terre fragile dans les années 60.
Un mode de culture unique en son genre
Pour produire la Bonnotte, les 30 producteurs de l’île suivent un protocole strict, inscrit dans un référentiel Agriconfiance, qui démarre dès l’automne. « En septembre-octobre, nous explique Patrick Michaud producteur sur l’île depuis 17 ans et président de la Coopérative agricole de Noirmoutier, on prépare les parcelles comme le faisaient nos grands-parents, en ajoutant à la terre sablonneuse un compost tracé à base de fumier de bovin et du goémon. Cette algue riche en oligo-éléments permet d’assombrir le sol et de le réchauffer au moment de la pousse. »
Une fois la terre naturellement amendée, il est alors temps de tracer les parcelles, autrement dit de façonner des « billons ». « C’est une technique particulière de l’île de Noirmoutier qui consiste à former des buttes de terre, deux par deux, sur 1,40m de largeur. Cela prend beaucoup de temps car nos parcelles sont petites, pas plus de 2000m2. Mais ça permet à l’eau de s’écouler facilement des champs durant l’hiver. » Plantées dans ces billons, les tubercules bénéficient ainsi d’une aération maximale et d’une obscurité totale. Ils souffrent également moins des pluies puisque les sols sont drainés rapidement.
La plantation démarre à la Chandeleur. Comme chaque tubercule est planté à la main, cette étape s’étire jusqu’en avril. Au moment même où les premières feuilles pointent leur nez. De délicates fleurs blanches apparaissent quelques semaines plus tard. En terre, les tubercules naissent et grossissent. Le sol salé par les embruns est propice à la Bonnotte qui s’y épanouit et y puise sa saveur si particulière.
Elle atteint le sommet de son goût 90 jours après la plantation. C’est alors le moment d’arracher les premiers tubercules. « J’ai 600 000 plants à installer sur 50 parcelles, souligne Patrick Michaud. Ce qui fait que lorsque je commence les premières récoltes de pommes de terre, j’ai à peine fini les plantations. Mais ce n’est pas un souci. Au contraire ! Cela permet d’étaler l’arrachage et la vente jusqu’au milieu de l’été. »
La primeur des primeurs
Récoltée avant maturité, pendant quinze jours seulement, la Bonnotte se caractérise par une peau fine et délicate et un goût subtilement sucré. S’il est devenu l’ambassadeur de l’île, ce produit d’exception aurait pu ne jamais voir le jour sans un agriculteur normand débarqué sur l’île au début du siècle dernier. A l’origine, celle que l’on appelle indifféremment « bounotte », « bonnette » ou « bonnet » était cultivée à Barfleur et ses environs, dans la Manche. Mais elle se plait rapidement sur l’île de Noirmoutier. Il faut dire que la terre sableuse y est particulièrement fertile, que les hivers cléments alternent avec des étés tempérés, que le soleil y est bien présent dès le printemps et les pluies très faibles, les plus faibles de la côte Atlantique dit-on. De quoi profiter aux pommes de terre en général et aux plus délicates en particulier.
Une île propice aux pommes de terre
Au fil des années, l’île de Noirmoutier s’est donc fait une spécialité des pommes de terre primeurs. Si, aujourd’hui, seuls 6 hectares sont réservés à la Bonnotte, soit environ 100 tonnes de production annuelle, près de 400 sont consacrées à des variétés de pommes de terre moins fragiles mais tout aussi convoitées. Toutes sont récoltées en primeur et sont commercialisées sous le nom de « la Noirmoutier ». « L’objectif de la Coopérative n’est pas de faire des pommes de terre à rendement mais avec du goût. C’est ce qui dicte le choix des variétés que nous cultivons. » Dès la fin mars et jusqu’à la mi-juin, la Sirtema est ainsi la première des primeurs à être récoltées sur l’île. Arrivée après-guerre, cette variété à chair blanche et sucrée est aussi la plus consommée. Après la récolte de la Bonnotte, la Iodéa s’impose cette année pour ses qualités gustatives fondantes et sa résistance naturelle à certains prédateurs. A la même époque et jusqu’en juillet, sont également récoltées l’Esmeralda, une pomme de terre à chair ferme fine et fondante, et la Lady Christ'l, une variété à la forme allongée, à la peau dorée et la chair jaune. Variété estivale de forme oblongue, à la chair ferme et blanche, la Charlotte clôture la récolte des primeurs à la mi-août. Les variétés se suivent et les récoltes ne se font qu’en fonction du carnet de commande de la Coopérative. « Nous n’avons pas de stock, souligne Patrick Michaud. Les pommes de terre sont récoltées, lavées, conditionnées et expédiées dans les 24 heures. » L’assurance de consommer une pomme de terre primeur ultra-fraîche.
Plus d’infos sur www.lanoirmoutier.com
Retrouvez cet article dans le magazines Papilles n°52 d'avril-mai, en vente aux caisses des supermarchés. Un excellent numéro où nous vous emmenons aussi à la découverte du Calvados AOP et du Marais poitevin et où les recettes fleurent bon le printemps.
Le rhum agricole, fleuron de la Martinique
Depuis deux semaines, je vous parle de l’île aux fleurs, comme on la surnomme. Cette île vit depuis toujours au rythme des distilleries. Véritable patrimoine martiniquais, le rhum agricole est un héritage d’exception.
De Macouba à Sainte-Luce, du Carbet au François, la Martinique compte aujourd’hui 9 distilleries dont 7 encore « fumantes », c’est-à-dire en activité. Autant dire que le rhum est partout. Comme le sont aussi les plantations de canne à sucre qui se développent dès la seconde moitié du XVIIème siècle par les Français pour satisfaire un marché en pleine expansion. Jusqu’à ce que le marché du sucre de canne s’effondre avec le développement du sucre de betterave au XIXème siècle, et que les Colons se voient contraints de développer une nouvelle économie : celui de la distillation du jus de canne fermenté. Cette boisson fortement alcoolisée, le tafia, sert déjà à requinquer les esclaves et à panser les blessures des ânes bâtés. Les « Habitations », ces vastes exploitations agricoles qui possèdent jusqu’à alors une sucrerie deviennent petit à petit des distilleries. Une véritable industrie se met en place. Saint-Pierre compte 16 rhumeries et devient le centre mondial du commerce du rhum agricole. Malgré l’abolition de l’esclavage en 1848 et l’éruption de la Montagne Pelée en 1902 qui détruit entièrement la ville de Saint-Pierre et ses environs, les Habitations forment aujourd’hui encore l’économie historique et principale de l’île après la banane.
Habitation Depaz à Saint-Pierre - la maison des maîtres
Habitation Depaz à Saint-Pierre - une des maisons des ouvriers
Habitation Saint-Etienne (HSE) au Gros-Morne - la maison des maîtres
Habitation Clément à Saint-François - la maison des maîtres (pièce de vie et chambres) ajourd'hui, un musée
Des champs…
Chaque année, le mois de février marque le début de la récolte de la canne à sucre qui arrive à maturité. Commence alors le balai incessant des engins agricoles entre les champs et les distilleries. Beaucoup d’exploitations ont mécanisé la coupe mais certains producteurs – souvent les plus petits – pratiquent encore la récolte traditionnelle au coutelas malgré la pénibilité du travail et les risques d’accidents liés aux feuilles coupantes et à la présence des serpents dans les cultures. Selon la douzaine de variétés de canne cultivées en Martinique pour leurs qualités agricoles et leur richesse en sucre, la récolte dure jusqu’en juin. Inutile ensuite de replanter des cannes : elles reprennent en 72 heures à partir de la souche restée en terre et se gorgent de nouveau en sucre en 9 mois avec le gaz carbonique de l’air et de l’eau du sol grâce à la photosynthèse. Ce n’est qu’au bout de 7 à 10 ans que les cannes, épuisées, sont arrachées et replantées.
… à la distillerie
Une fois coupée, la canne est rapidement transportée à la distillerie. Moins de 2 heures séparent la récolte de la transformation. Pesée et échantillonnée pour évaluer sa teneur en sucre, la canne s’engage alors dans un « coupe-canne » pour la hacher et la défibrer puis dans une série de trois moulins pour y être broyée et en extraire le « vesou ». Le premier moulin permet d’extraire 70% de ce jus transparent et gorgé de sucre. Au deuxième et au troisième moulin, la canne est aspergée d’eau pour en recueillir davantage, environ 700 litres par tonne de canne. Tamisé dans une rotative, le vesou est ensuite envoyé dans une cuve de fermentation. Le résidu de canne, appelée « bagasse », est utilisé comme combustible pour alimenter la chaudière à vapeur.
Des trous percés dans les remorques transportant la canne à sucre permettent de prélever des échantillons à l'arrivée à la distillerie
stock de cannes - Distillerie Saint-James à Sainte-Marie
coupe-canne - Distillerie JM à Macouba
moulins de broyage de la canne à sucre - Distillerie Saint-James
La méthode d’extraction à froid du jus de canne est le signe de distinction du « rhum agricole » martiniquais vis-à-vis des autres rhums dans le monde. Ces derniers, dits « rhums industriels », sont en effet distillés à partir de la fermentation des mélasses issues de la fabrication du sucre de canne.
chaudière - Distillerie Saint-James
bagasse - distillerie Saint-James
Quand le sucre devient alcool
Ouverte à l’air libre, la cuve s’enrichit de bactéries qui, grâce aux levures ajoutées, transforment le sucre en alcool. 24 à 36 heures plus tard, le « vin de canne » obtenu titre entre 4 et 5% de volume d’alcool. Il est alors prêt à être distillé.
cuves de fermentation - Distillerie JM
cuves de fermentation - Distillerie Saint-James
Autrefois distillé dans des alambics charentais, le vin de canne est aujourd’hui introduit dans le haut d’une colonne de distillation, toujours en cuivre, formées de plusieurs plateaux. Par un système de trop-pleins, le vin descend progressivement de plateaux en plateaux tandis que la vapeur d’eau fait le voyage inverse en se chargeant d’alcool et d’arômes.
anciens alambics de type charentais, colonne à plateaux... musée Saint-James à Sainte-Marie
colonne à plateaux - Distillerie Saint-James
colonne à plateaux extérieure - Distillerie JM
Refroidie ensuite dans un condenseur, la vapeur se transforme en un liquide incolore titrant à 73% d’alcool pur.
Ce rhum « de coulage » repose alors dans une cuve en inox, régulièrement additionné d’eau de source déminéralisée afin de diminuer sa teneur en alcool. Il faut entre 3 et 8 mois et 30 000 litres de jus pour obtenir environ 2000 litres de rhum blanc, rond et aromatique, à 55%.
Blanc, ambré, vieux, une question de temps
D’abord mis en foudre de chêne pendant 18 mois, où le rhum perd en alcool, le rhum devenu ambré est ensuite transvasé en fûts de chêne plus petits, généralement de 200 litres, pour avoir davantage de contact avec le tanin du bois. Ces fûts proviennent de distillerie de bourbon, de cognac, de Xerès ou de grands vins de Bordeaux qui permettent au rhum de se charger lentement de leurs parfums.
foudres de vieillissement - Distillerie Saint-James
fûts de vieillissement - Distillerie JM
fûts de vieillissement - Distillerie HSE
Pour prétendre à la dénomination « rhum vieux », le rhum y reste au moins 3 ans. Trois années qui correspondent à 7 /9 ans dans l’Hexagone car les conditions atmosphériques tropicales accélèrent naturellement le processus de vieillissement. La chaleur et l’humidité provoquent une évaporation, la part des anges, également plus importante, autour de 8% du volume totale contre 1,5 pour le Cognac.
chai de vieillissement - Distillerie HSE
Selon le temps et le soin apportés à chaque fût, le Maître de chais peut tirer le meilleur du rhum pour composer ses assemblages comme tout autre grand spiritueux. Ainsi, depuis 1996, le rhum agricole bénéficie d’une AOC, signe d’un produit authentique et de qualité.
l’AOC "Rhum agricole Martinique" a été la première AOC d’outre-mer
Distillerie JM, site de Fond Préville à Macouba
distillerie Saint-James à Sainte-Anne
Distillerie Depaz à Saint-Pierre
le moulin du Val d'Or à Sante-Anne retrace l'histoire de la canne à sucre jusqu'à l'apparition des distilleries
A la découverte de la cuisine martiniquaise
A l'image de l'île, de sa végétation, de ses habitations, la cuisine martiniquaise est colorée et variée. Les fruits et légumes sont nombreux et apportent une saveur agréable aux poissons fraichement péchés et aux viandes issues d'animaux élevés sur l'île, notamment le poulet et le cochon de lait.
Au restaurant, on se régale de grillades, de salades, de cocktails alcoolisés ou non que l'on déguste les pieds dans l'eau sur la plage comme dans des lieux plus cossus.
Au Petitbonum à Le Carbet, le chef Guy Ferdinand vous propose une cuisine locale : langoustes grillées, cochon de lait farci, gratin de patate douce...
Salades fraiches et colorées et plats traditionnels créoles au Ti' Sable à L'Anse d'Arlet
Parmi tous les endroits que j'ai testés lors de mon voyage en mars dernier, j'ai particulièrement apprécié le restaurant le Moulin à canne à Saint-Pierre, pour son cadre au sein du magnifique parc de l’Habitation Depaz, son ambiance conviviale et sa cuisine simple, fraiche et typique de la Martinique, et, dans un tout autre genre, le restaurant Plein Soleil au François. Perdue dans une végétation luxuriante, cette ancienne demeure coloniale sert une cuisine gastronomique franco-caribéenne réalisée avec brio par le chef Nathanaël Ducteil. Sans oublier aussi la Table de Marcel, fraichement ouvert dans l'enceinte de l'Hôtel Simon à Fort de France, à la cuisine moderne et céative mais à l'ambiance un peu froide à mon goût.
la Table de Marcel, à Fort de France
raviole de volaille et épinard, bouillon d'écrevisse
daurade et légumes à la plancha, sauce chien
feuillantine de chocolat blanc, sauce au café grillé
Les marchés sont également l'occassion de balades gourmandes et colorées. Au marché de Sainte-Anne ou d'autres petits marchés locaux, les pêcheurs inondent de poissons les étals.A rapporter dans ses valises, les produits locaux savoureux, comme les épices, les confitures, les bâtons de cacao et même les fleurs (livrées fraiches par avion).
La semaine prochaine, je vous emmène visiter les distilleries de l'île. Et vous propose, pour patienter, un verre de Ti'Punch...
Ti’punch
- 6 cl de rhum blanc 50° ou 55
- 2 cl de sirop de canne roux
- un quartier de citron vert
Dans un verre à ti' punch, verser le rhum et le sirop. Presser le quartier de citron vert au dessus du verre avant de le laisser tomber dedans. Ce geste s'appelle un "pressé-lâché". Mélanger. Servir.
*******************
Moulin à canne - Habitation Depaz 97250 SAINT-PIERRE Tél: 05 96 69 80 47 - www.le-moulin-a-cannes.restaurant-saint-pierre-martinique.com - Comptez entre 20 et 40€.
Plein Soleil Pointe - Thalemont 97240 Le Francois Tél: 05 96 38 07 77 - www.hotelpleinsoleil.fr - Comptez 45€.
La Table de Marcel - 1 Avenue Loulou Boilaville 97200 Fort-de-France - www.hotel-simon.com/restaurants-bar - Comptez entre 50 et 80€.
Ti'Sable - 35 Allée des Raisiniers 97217 Les Anses-d'Arlet - www.tisablemartinique.com - Comptez entre 15 et 30€.
Le Petibonum - Plage du Coin 97221 Le Carbet - www.lepetibonum.com - Comptez de 15 à 40€.
Evadez-vous en Martinique avec Corsair et préparez votre séjour sur www.martinique.org
J'veux du soleil !
Marre de la grisaille et du froid ? Envie de soleil et de chaleur, de mer, de couleurs... ? J'ai peut-être ce qu'il vous faut ! Que diriez-vous de vous envoler pour la Martinique ? Attention, on décolle...
Bienvenue à Fort-de-France !
Clin d'oeil au premier marché de l'île: la banane
Entre Atlantique et Caraïbes, la Martinique compte 350 kilomètres de côtes qui abritent de biens jolies plages de sable noir volcanique au nord, de sable blanc au sud. En choisissant l'une ou l'autre des côtes, le paysage et les loisirs diffèrent. Tandis que que les plages des Caraïbes invitent les plus oisifs à se prélasser au soleil à l'ombre des cocotiers...
Les Anses d’Arlet, son église typique et sa plage de sable fin digne des plus belles cartes postales
... et qu'elle accueille, dans ses anses bucoliques, les bateaux des pêcheurs locaux,
... le déchainement de l'océan Atlantique offre aux amateurs de sports nautiques de quoi s'amuser.
l'agitation de l'Océan atlantique à Sainte-Marie au petit matin
le tombolo Sainte-Marie relie Petite-Anse, la plage de Sainte-Marie et l’îlet Sainte-Marie les quatre premiers mois de l'année
Bon, certes, c'est un peu cliché. Mais pas tant que ça ! Et comme l'île n'est pas bien grande, il est facile de bouger dans la journée et de profiter des deux facettes.
Au-delà des plages, la Martinique offre une variété de paysages assez déconcertants. Ainsi, la baie des Flamands qui abrite Fort-de-France fait partie depuis 2011 des « plus belles baies du monde » aux côtés de la Baie de San Francisco en Californie, de la Baie du Mont Saint Michel en Normandie ou de la Baie d’Ha-Long au Vietnam.
Sans oublier la majestueuse montagne Pelée qui veille sur la baie tranquille de Saint-Pierre. Ou, au sud-ouest de l'île, tel un véritable joyau ancré dans la mer des caraïbes, le rocher du Diamant qui, du haut de ses 175 m, protège l'un des meilleurs sites de plongée de l’ile.
Sur les petites routes en lacets, on se laisse suprendre par l'écrin de verdure exceptionnel, composé tantôt de bananeraies ou de cultures de cannes à sucre, tantôt de prairies parsemées d’arbustes sculptés par les alizées, tantôt de forêts sèches ou tropicales... Il faut visiter les jardins somptueux publics ou privés ouverts aux visites. La flore y est remarquable. Dans le nord-est, exubérante forêt tropicale de Saint-Joseph offre de beaux sentiers bien escarpés aux randonneurs amateurs ou plus expérimentés.
Les férus de culture ou d'histoire ne sont pas en reste non plus. Dans la ville de Fort de France, préfecture du département, plusieurs monuments emblématiques offrent une partie de son histoire : l'hôtel de ville, la bibliothèque Schoelder, le Musée régional d'Histoire et d'Ethnographie, le Musée départemental d'archéologie et de préhistoire de la Martinique, l'Espace muséal Aime Césaire...
l'ancien Hôtel de ville de Fort de France
Bibliothèque Schoelcher (extérieur et intérieur)
Parc de la Savane à Fort de France, au premier plan la statue de Joséphine de Beauharnais
Plus au nord, l’ancienne capitale de la Martinique vaut elle aussi le détour, malgré le ravage du 8 mai 1902. Une dramatique éruption de la montagne Pelée a tué, en quelques minutes seulement, les 30 000 habitants de la ville. Celle qu'on surnommait autrefois le « petit Paris des Antilles » est classée « ville d’art et d’Histoire » du patrimoine français en 1990, pour saluer le courage et le talent des habitants qui, depuis plus d’un siècle, reconstruisent et embellissent la ville tout en sauvegardant les témoignages de cette terrible catastrophe naturelle. Baladez-vous dans les rues de la ville, ne manquez pas les ruines du magnifique Théâtre de la Ville d’Art et d’Histoire, dont on dit qu'il était construit à l'image de celui de Bordeaux. Le Musée Franck Perret et le Centre de découverte des sciences de la terre, installé dans un bâtiment parasismique exceptionnel, ou la maison régionale du Volcan au Morne-Rouge permettent de comprendre les particularités des éruptions « péléennes ».
C'est aussi à Saint-Pierre que l'on peut visiter la Maison coloniale de la Santé, un établissement ayant accueilli 439 aliénés entre 1839 (année de sa fondation) et 1902 (lorsqu'il a disparu sous l'éruption), dans des conditions à la fois avant-gardiste (avec ses installations d'hydrothérapie très avancées) et sordides (avec ses cellules d'isolement et ses chaises de force). Un lieu poignant sur une partie assez sombre de l'histoire de l'île.
D'autres musées, sur le patrimoine, l'esclavagisme..., comme les différentes distilleries (les Habitations), la Maison de la Canne ou la Savane des esclaves aux Trois-Ilets, le musée de la banane ou le Moulin du Val d'Or à Sainte-Anne..., sont par ailleurs de précieux témoins sur l'histoire de la France et de ses colonisations.
Musée de la distillation Saint-James à Sainte-Marie
Habitation Depaz à Saint-Pierre, sa distillerie, son parc, la maison de mâitres, celles des ouvriers
Habitation Saint-Clément à Le François - ancienne maison des mâitres transformée en musée
Moulin du Val d'Or à Sainte-Anne, reconstitution d'un moulin à extraction du jus de sucre de canne
Mémorial de l'Anse Cafard, face au Rocher du Diamant
Sainte-Anne et ses bâtisses colorées
Ces différentes visites nous permettent par ailleurs d'aborder un point essentiel de la Martinique : sa cuisine.
Envoutante truffe noire
Un noir finement veiné de blanc à la coupe, un parfum boisé, un goût puissant : la truffe noire est unique et mystérieuse. Elle fascine et transporte, laissant un souvenir inoubliable à qui la déguste.
Dans le Vaucluse comme le Périgord, dès décembre et jusqu’à fin février, un champignon bouscule les emplois du temps : la Tuber Melanosporum. Objet de convoitise, la truffe noire au parfum suave déchaine les passions. Il n’y a que se rendre sur les marchés organisés dans les villages de la région à la saison. Côté vendeurs comme acheteurs, on s’y bouscule dès la première heure. Sur les marchés de professionnels, ouverts aux conserveurs, restaurateurs et courtiers, la vente se fait au pied des autos, le coffre ouvert, les truffes cachées telles des trésors et les conversations se déroulent à mi-mot, comme en secret. Depuis quelques années, la profession a mis en place des marchés contrôlés, plutôt destinés aux particuliers. La truffe fraiche y est vendue à maturité optimale, brossée et tracée quant à son terroir de provenance et à l’identité du producteur. Et les prix sont clairement affichés. De quoi éviter bien des déconvenues. Car à 80/100€ les 100 grammes, mieux vaut ne pas se faire avoir.
© Valérie Biset - ADT Vaucluse
Du Périgord et surtout d’ailleurs…
Si la truffe blanche d’Alba est, sans aucun doute, de très loin, la plus rare et la plus recherchée de la famille des ascomycètes, celle du Périgord en est la star française. Malgré son nom, cette espèce botanique se trouve majoritairement dans le sud-est de la France, en Périgord-Quercy, mais aussi au Maroc, en Espagne, en Italie, en Croatie et en Slovénie. Sorges et Sarlat en ont fait sa réputation entre le XVII et le XIXème siècle et lui ont valu son nom. Aujourd’hui, pourtant, le Vaucluse est le 1er département français producteur et le sud-est assure 70% de la production française. Les prix pratiqués sur le marché aux truffes de Carpentras servent même de référence aux autres marchés. A quelques kilomètres, dans l’enclave des papes, Richerenches détient le plus gros marché. Plus de 700kg de truffes y sont vendus chaque semaine. La truffe y est tellement encensée que tous les 3ème dimanche de janvier, une messe est célébrée en l’honneur de Saint-Antoine, le patron des trufficulteurs. La truffe est donc devenue au Périgord, ce que le champignon est à Paris ou le chou à Bruxelles.
Mystérieuse tubercule
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que la truffe est le fruit d’un champignon. Sous terrain, sans pied, avec une forme de tubercule globuleux et souvent bosselé, d’un noir singulier, certes, mais d’un champignon quand même, puisqu’il est produit chaque année à partir du mycélium développé dans le sol. La singularité de la truffe, c’est qu’elle naît de la symbiose entre un sol, un arbre et le champignon. Mais pas n’importe lesquels. Le sol est nécessairement calcaire, plutôt pauvre, peu profond et bien drainé. L’arbre est le plus souvent un chêne pubescent, un chêne vert, un noisetier ou un pin noir. Mais il peut aussi être un tilleul, un charme ou un châtaignier. L’ensoleillement et la pluie ont aussi leur importance. Dans le Sud, on dit qu’il doit pleuvoir à la Saint-Jean, au 14 juillet et au 15 août. Quelques petites pluies à l’automne et la « mélano » (comme la surnomme les amateurs) arrive alors à maturité. Si les conditions sont réunies, sa grosseur varie de la taille de celle d’une noisette à celle du poing, son poids de 10 à 200 grammes. Mais certains spécimens atteignent le kilo.
L’art du cavage
A la faveur des premiers frimas hivernaux, la truffe noire libère son parfum caractéristique de sous-bois, de terre et d’humus, sublimée de fruits secs torréfiés. Un signe de parfaite maturité. Le cavage peut commencer. Mais l’odeur d’une truffe en terre n’est pas facile à déceler pour l’homme. L’animal lui est donc d’un grand secours. Certains pratiquent encore le cavage avec le porc qui sent naturellement de très loin l’odeur de la truffe et la localise avec énormément de précision. Pratique donc car le porc n’a pas besoin de dressage particulier si ce n’est qu’il raffole de ce champignon et qu’il vaut donc mieux lui apprendre à ne pas la manger. Plus sûr, dans ces conditions, de caver avec un chien. Après quelques années de dressage, le chien qui aime faire plaisir à son maître, saura détecter les truffes. Il faut le voir la truffe à terre, sous les chênes truffiers, marquer subitement l’emplacement d’un simple coup de patte. Certains chiens n’hésitent pas à creuser le sol pour déterrer le précieux tubercule. Le trufficulteur doit alors vérifier la maturité, à l’odeur et à la couleur bien noire. Car une truffe précoce n’a aucune saveur. C’est une truffe perdue. Vient ensuite le moment de l’extraire des racines de l’arbre, avec minutie et délicatesse, sans l’abimer, en ménageant le sol afin que le mycélium puisse produire d’autres truffes l’année suivante.
Une année en truffière
A la fin de saison du cavage, le travail du trufficulteur ne s’arrête pas pour autant. Il doit tailler les arbres et les rejets, éliminer les bois morts et travailler la terre. Au printemps, la mélano naît dans le sol, tandis que la Tuber aestivum, la truffe d’été, peut commencer à être récoltée. Durant tout l’été, les arbres, paillés et irrigués avec parcimonie, permettent à la truffe noire et à la truffe brumale de se développer. A la fin août, elles font une croissance phénoménale en une dizaine de jours seulement. En témoignent les fentes qui craquellent le sol et qui permettent au trufficulteur de déterminer le poids quasi définitif de sa production. Alors que la récolte de la truffe brumale débute en novembre, la mélano s’est arrêtée de grossir et profite de ses dernières semaines pour mûrir. Neuf mois auront suffi au diamant noir de développer sa saveur unique. A la grande satisfaction de nos papilles.
******************
Un week-end truffé de gourmandise
A l’Auberge de la Truffe, située à Sorges, l’or noir du pays est l’objet d’une passion. Celle du chef Pierre Corre qu’il vous fera partager avec sa gentillesse et sa générosité, autour de recettes authentiques aux riches parfums du terroir. Consommé à la râpée de truffe, œufs brouillés aux truffes, millefeuille de foie gras poêlé et de pommes sauce à la truffe, noix de Saint Jacques en écaille de truffes, feuilleté à la truffe et sa purée de pommes de terre, sabayon, glace… jusqu’au dessert, la truffe est partout, enivrante et gourmande.
Au programme du week-end découverte : balade au marché, cours de cuisine, visite de l’Ecomusée de la truffe, cavage dans une truffière et dégustations dans un hôtel somptueux. J'en garde pour ma part un souvenir inoubliable.
Week-end découverte, de novembre à avril, Auberge de la truffe, 24420 Sorges, tél 05.53.05.02.05
Une escapade dans le Doubs, ça vous dit ?
Entre Besançon, Pontalier et Montbéliard, le Doubs, injustement méconnu, peut s’enorgueillir d’un patrimoine architectural, industriel et gastronomique exceptionnel. Un territoire aux multiples facettes qui mérite de s’y attarder.
Tout à l’Est de la France, traversé par les Montagnes du Jura et bordant la Suisse, le Doubs puise sa richesse dans son histoire mouvementée et son esprit précurseur. Espagnole avant d’être française, Besançon en garde les traces. Celle d’une citadelle érigée par Vauban, l’expert en art d’assiéger les villes sous Louis XIV.
Besançon, une cité attractive
Dans la capitale de l’horlogerie, le temps nous manque pour tout voir. Il faut dire que c’est une des villes françaises qui compte le plus de monuments classés et de nombreux musées comme celui du Temps, abrité dans un monument emblématique de la Renaissance en Franche-Comté, le palais Granvelle.
A ne pas manquer le pendule de Foucault installé dans la tour qui offre, par ailleurs, une jolie vue sur les toits en tuiles vernissées de Besançon.
A l'heure du déjeuner, on se précipite à l'Ecrin bistronomique de la maison Courbet où l'on se régale d'un oeuf basse température façon carbonara, d'un carpaccio de truite gravelax, d'un pavé de biche, au jus de griottes, rattes et butternut ou encore d'une pomme fondante au caramel, le tout pour un prix très raisonnable (15,50€ le plat, 26,50€ le menu).
Le soir, on ne manque pas de réserver au Saint-Pierre pour y déguster une délicieuse bisque de homard et crevettes, une salade de ravioles aux encornets, un filet de merlu et risotto aux cèpes pour finir sur une tatin aux pommes parfaitement caramélisée.
Un lit bien confortable dans une des somptueuses chambres de l'Hôtel de Paris ou de l'ancien couvent devenu le sublime Hôtel le Sauvage sera le bienvenu.
chambre prestige à l'Hôtel de Paris
salle des petits-déjeuners à l'Hôtel de Paris
Inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la Citadelle Vauban vaut, à elle seule, qu’on y consacre une journée entière. Perchée à plus de 100 mètres au-dessus de la vieille ville et défiant l’envahisseur de toute sa masse, elle est considérée comme l’une des plus belles de France. Les chemins de ronde en sont un exemple édifiant qui offrent à qui n’est pas sujet au vertige, une vue panoramique époustouflante. A l’intérieur de cette forteresse qui s’étend sur 12 hectares, les activités abondent, des animations musicales et théâtrales au Musée comtois ou à celui, poignant, de la Résistance et de la Déportation, en passant par le Jardin zoologique, l’Aquarium, l’Insectarium ou encore le Noctarium qui nous entraîne dans l’univers des rongeurs des villes et des champs.
Entre héritage industriel et culinaire
Plus au nord du département, Montbéliard possède un charme indéniable, entre esprit germanique et influences italiennes comme en témoigne aujourd’hui encore le temple Saint Martin. C’est sans doute durant la période l’Avent, avec la magie des Lumières de Noël, que l’on prend véritablement conscience de l'héritage unique de cette ville.
Bastion des Ducs allemands de Wurtemberg, berceau du paléontologue Cuvier, la principauté s’est modelée sous l’impulsion des deux grandes familles industrielles : Peugeot dont le Musée de l’Aventure nous plonge dans le temps, des tout premiers moulins à café aux dernières automobiles, et Japy, célèbre au XIXème siècle, pour son horlogerie comme pour les premières casseroles en fer blanc emboutie. Un petit tour dans ses locaux de Fesches-le-Chatel permet aux visiteurs d’apprécier les ustensiles culinaires en inox haut de gamme fabriqués par l’entreprise devenue Cristel et reconnus, dans le monde entier, par les gourmets et les professionnels de bouche.
Délices sur un plateau
De Montbéliard à Pontarlier, en passant par Morteau, le Doubs ne manque d’ailleurs pas de titiller nos papilles. Difficile de ne pas pousser la porte d’une fruitière pour y découvrir le quatuor des fromages de la région : comté, mont d’or, morbier – tous trois AOP – et cancoillotte sont fabriqués dans une centaine de fromageries artisanales à partir du lait d’une vache locale, la Montbéliarde. La visite du Fort Saint-Antoine mérite d'ailleurs le détour. Cet ancien fort militaire construit au cœur des montagnes est devenu en 1966, une cave d’affinage de comté exceptionnelle, grâce à l’audacieuse idée du fromager Marcel Petite. Aujourd’hui, 100 000 meules constituent le trésor de cette cathédrale dans laquelle le visiteur plonge avec délectation.
A moins qu'on ne préfère une visite d'un tuyé, cette cheminée caractéristique où fument les charcuteries locales.
Sur la route entre deux visites, arrêtons-nous chez l'excellent pâtissier-chocolatier membre de l'Association Relais Dessert, Eric Vergne, installé à Belfort et, depuis cet été, à Audincourt près de Montbéliard. Ses spécialités : les macarons de Hollande, en forme de tulipe, le gâteau lorrain (sa région natale), les scories de la Forge ®, des croustillants aux noisettes spécialité faisant référence au passé industriel du Nord Franche-comté...
Sur la route de la fée verte
Happé par la curiosité, on file à Pontarlier (re)découvrir la mythique absinthe. L’élixir des impressionnistes français a retrouvé sa place sur le zinc en 2001, grâce au dernier distillateur de la ville, François Guy. Dans cette Entreprise du Patrimoine Vivant, les alambics sont en fonction depuis 1870 qui sortent 700 000 litres d’alcools chaque année. Parmi les succès de la maison, le Pontarlier-anis, seul apéritif distillé à base d’anis vert, et le Vert sapin, une liqueur recommandée pour les maux de gorge, dit-on.
Plus d’infos sur www.doubs.travel
Déjeuner chic à Puymirol
Michel Trama est un de ces chefs atypiques que j'admire. Drôle, sensible, généreux et talentueux. Autodidacte, ce jeune algérien d'origine italienne s'est lancé dans la restauration alors que son chemin le prédestinait à une carrière de plongeur sous-marin avec le Commandant Cousteau. D'abord installé dans une gargotte rue Mouffetard à Paris, il tombe rapidement sous le charme d'une bastide du XIIIème siècle à Puymirol, dans le Lot-et-Garonne, et s'y installe avec son épouse Maryse en 1979.
Après de gros travaux de rénovation, l'ancienne demeure du comte de Toulouse a aujourd'hui un charme fou. Elle mêle habilement les pierres blanches, les poutres de chêne, les tommettes anciennes, les cheminées et un majestueux escalier de chêne et une décoration théatrâle de style baroque signée Jacques Garcia. Tentures aux fenêtres largement débordantes sur les murs, tapisseries murales, lustres fastueux, tapis, baldaquins... font de cette maison un lieu d'exception. De l'entrée aux chambres, en passant par les salles des restaurants, le patio ou la cuisine, tout est superbement mis en scène. On aime, ou pas, mais cette décoration soignée ne laisse vraiment pas indifférent et promet un vrai dépaysement.
le patio où il fait bon prendre ses repas
la piscine invite à la flânerie
la salle du chef, attenante aux cuisines
Très haut de gamme, l'hôtel 5 étoiles Relais & Châteaux offrent 9 chambres et 2 suites confortables et raffinées, parfaites pour une escapade en amoureux.
Les familles sont également les bienvenues et préfèreront sans doute un des deux appartements meublés et équipés de haut standing, d'un tout autre univers mais tout aussi charmants. Les Loges permettent ainsi aux visiteurs de prendre le temps de visiter la région et de profiter des services du Relais & Châteaux notamment de la piscine, des repas, des cours de cuisine avec le Chef...
Car, évidemment, il ne faudrait quand même pas louper la cuisine de Michel Trama ! Là aussi, les clients ont le choix entre l'Auberge de la Poule d'Or et la table gastronomique. La première, dans une ambiance bucolique de feme chic et une fois encore thétralisé, propose une cuisine de terroir, authentique et généreuse, récompensée par deux toques au Gault & Millau® et un Bib Gourmand Michelin : souris d'agneau confite, poulet à l'estragon, pigeonneau en terrine, pommes au four, chou à la crème, oeuf à la neige... De quoi se régaler à un prix raisonnable, le menu étant à 29€ le midi, 31€ le soir.
la salle de l'Auberge de la Poule d'Or
Et puis il y a LA table classée 2 étoiles au Guide Michelin, celle où le chef excelle dans son art grâce à sa créativité et son talent, où "la simplicité est sophistication". Lui qui a appris la cuisine avec les livres d'Escoffier, de Guérard, de Chapel... décroche sa première étoile un an après l'ouverture de son restaurant, en 1980, puis la deuxième en 1983. En 1987, Gault & Millau® le déclare chef de l'année avec Alain Chapel. Quatre ans après, il obtient l'excellente note de 19,5. Touché par un cancer, Michel Trama perd sa troisième étoile en 2011. Pourtant "je n'ai pas perdu mon idéal, celui de faire plaisir aux gens. L'affectif dans la cuisine, c'est important pour moi et on ne peut pas le combattre." Ne soyez pas offusqué si le chef vous suggère un plat que vous n'aviez pas commandé. Ce "serviteur des produits" comme il aime se définir, a besoin de voir les gens pour leur faire à manger, car il cuisine pour eux et adapte l'assiette en fonction du ressenti. Unique !
Les fines lamelles de raves au foie gras, vinaigrette d'argan, sont d'une finesse et d'une saveur fantastiques. Michel Trama y ajoute une "cristalline", tranche très fine de légume (ou de fruit) trempée 5 mn dans un sirop et séchée 5 heures à 70°. Une création de 30 ans qui connait toujours un franc succès.
S'ensuit une effilochée de lapin confit, gelée de carottes aux pruneaux d'Agen, qui revisite brillament le classique lapin aux carottes et pruneaux. Michel Trama en fait une entrée froide, parfumée et rafraichissante qui a toute sa place lors d'un dîner d'été un peu chic. Je vous livre la recette dans quelques jours...
La noix de Saint-Jacques de plongée accompagnées de cèpes est à peine cuite pour révéler toutes ses saveurs. Magique !
Voilà un plat qui rappelle les origines italiennes du chef. C'est comme un risotto... mais de chou-fleur, parfumé à la truffe. Fondant et croquant à la fois, le chou-fleur ne prend pas le dessus, on le devine à peine, justement relevé par le champignon. Divin...
Le pigeonneau rôti aux épices, carottes à l'orange qui suit m'a laissé un souvenir impérissable. Deux ans après, j'en ai encore l'eau à la bouche rien qu'à l'évoquer. Tendre, délicatement relevé par une sauce onctueuse, il est en plus facile à déguster car entièrement désossé.
L'assiette de tous les sens porte bien son nom : le croquant des cristallines de pomme mêlé au fondant du sorbet, la suavité et le caractère de la larme au chocolat et à la griotte, la douceur de la crème aux framboises et un clin d'oeil au cigare du chef.
Michel Trama Relais & Châteaux
52 rue Royale - 47270 Puymirol -Tél. : 05 53 95 31 46
A la rencontre d’une éleveuse pas comme les autres
Dans la Baie du Mont Saint-Michel, chaque année depuis des siècles, les moutons reviennent envahir les prés salés. Une tradition que Stéphanie Maubé met à cœur de perdurer, non loin de là.
Dans le petit village de Saint Germain sur Ay, sur la côte ouest de la Manche, Stéphanie Maubé m’a donné rendez-vous en cet après-midi de mars. Il ne pleut pas – c’est déjà ça – mais la grande marée du soir oblige la jeune et jolie bergère de 36 ans à rentrer ces blancs moutons à la bergerie pour la nuit. Pas de temps à perdre : 150 brebis et leurs petits pâturent paisiblement dans les havres de Saint Germain et de Geffosses.
Le havre est un lieu de rencontre entre la mer et les rivières, entre l’eau salée et l’eau douce.
Comme la Baie du Mont Saint-Michel, ces estuaires profitent de la pente douce du littoral pour se laisser recouvrir par les grandes marées et transmettre le goût du sel à l’aster maritime, la soude, l’obione, la salicorne, l’armoise maritime et une soixantaine d’autres plantes qui recouvrent ces immenses prés salés. Une végétation halophile unique et rare qui résulte de la combinaison de trois éléments naturels : le mélange eau salée-eau douce, le relief du sol façonné par les vagues et les limons apportés par la mer. Ces plantes constituent une alimentation idéale pour la croissance des agneaux qui s’en régalent dès le printemps et durant tout l’été. Ce sont elles qui donneront aussi une saveur si particulière à leur chair et un gras très blanc caractéristique.
Inondés à chaque marée, les prés salés constituent un espace de liberté pour les moutons.
Ce sont aussi d’exceptionnelles réserves ornithologiques, comme au Havre de Geffosses.
Un agneau noir est un peu une mascotte dans un troupeau.
Si la qualité de sa chair est identique à celle des blancs, sa laine, en revanche, permet de confectionner des vêtements plus résistants.
Chaque jour, Stéphanie parcoure des kilomètres à pied pour surveiller son troupeau.
Sous les pavés, les prés salés
Rien ne prédestinait Stéphanie à devenir éleveuse de moutons de prés salés. Parisienne, elle découvre la région par hasard, il y a 10 ans lors d’un week-end, et a un véritable coup de cœur pour ces « moutons élevés seuls, dans ces grands prés ouverts, en toute autonomie ». Et malgré une vie urbaine trépidante de graphiste et intermittente du spectacle, elle décide de tout plaquer pour s’installer ici. C’était en 2010. Après une année de formation au lycée agricole et auprès d’un éleveur local, Stéphanie se lance seule. Non sans mal. La vie rurale est difficile, les habitants pas toujours prêts à accueillir une « néo rurale » comme elle aime se définir. Mais grâce à un caractère bien trempé, Stéphanie ne se laisse pas intimider. Elle acquiert quelques terres, des moutons, crée sa marque, La Cotentine moderne, et va surtout au devant des anciens qui lui apprennent beaucoup sur le métier, les moutons, le terroir… « Ici, tout est conditionné par la mer : les dunes, les landes, les prés salés, les terres maraichères, la vie économique, les mentalités… Et malgré des moments parfois durs, l’impression de liberté que je ressens à travailler dans un grand espace au rythme des saisons et des marées rend très humble et me simplifie la vie. »
Guidés par Gala, une brebis et son petit rejoignent tant bien que mal le reste du troupeau.
L’Avranchin, une race menacée…
Entre temps, Stéphanie s’est prise de passion pour la plus ancienne race ovine locale, le mouton de l’Avranchin. Il n’en reste que 1500 dont la majorité en dehors de la région. La bergère n’a alors plus qu’un objectif : réintégrer cette race dans son milieu d’origine et donner envie à d’autres éleveurs de se la réapproprier. Car, il faut se rendre à l’évidence : alors que la Manche est le seul département à posséder 3 races ovines, le Roussin de la Hague, le Cotentin et l’Avranchin, la majorité des troupeaux élevés en prés salés est constituée de Charollais et de Rouge de l’Ouest. « Ce sont deux races bouchères intéressantes car elles font de jolies carcasses mais elles n’ont rien à faire ici ! » s’insurge Stéphanie.
… aux qualités multiples
S’il est élevé dans les règles de l’art dans les herbus, l’Avranchin possède alors de grandes qualités gastronomiques vantées par les plus grands chefs et les bouchers qui ont la chance de s’en procurer. D’un point de vue écologique, cette race rustique entretient les paysages, particulièrement dans le cadre d’écopâturage où les sites naturels sont souvent inaccessibles en tracteur. Sa laine blanche, fine et vaporeuse, est considérée comme la seconde meilleure de France après le Mérinos, et offre des vêtements bien chauds. Plus encore celle des quelques spécimens noirs qui ponctuent le troupeau de temps en temps. Et puis comment ne pas craquer pour ses beaux yeux de biche charbonneux, son instinct maternel face aux dangers des grèves et son caractère, farouche si on tente de l’enfermer, mais docile au grand air ? C’est sans doute la raison pour laquelle l’Avranchin semble être très tôt descendu de sa colline d’Avranches pour pâturer les grèves du Mont Saint-Michel en toutes saisons, ou presque.
La brebis Avranchine et ses yeux de biche charbonneux
Au rythme des saisons et des marées
Si elles apprécient le grand air, la bergerie est le cocon où les brebis passent l’hiver et mettent bas. Durant cette période d’agnelage, Stéphanie s’improvise vétérinaire et passe ses journées et ses nuits à contrôler que tout se passe bien et à intervenir si besoin. Lorsqu’en mars, les agneaux sont suffisamment résistants pour affronter l’extérieur, ils peuvent alors s’emparer des prés salés avec leur mère. Mais, pâturer les herbus peut s’avérer dangereux. Les criches, ces fossés creusés lors des marées, vaseux et remplis d’eau, font l’objet de fréquents enlisements. Les prés salés, n’étant pas clôturés puisqu’ils relèvent du domaine maritime public, invitent les bêtes à s’échapper. Stéphanie doit alors surveiller son troupeau le plus souvent possible tout en jonglant avec sa vie d’exploitante agricole dont le planning est ponctué de rendez-vous administratifs. L’été, tandis que les moutons profitent du meilleur de la végétation des herbus, les vacanciers viennent égayer les journées de Stéphanie. Elle organise des goûters à la ferme comme autant d’occasion de se balader pieds nus parmi les moutons et de découvrir ces espaces sauvages, des concerts à la tombée de la nuit et à marée remontante dans sa bergerie. Elle prend aussi le temps de cueillir des plantes sauvages dont elle parfume un vinaigre de cidre artisanal. Juillet est aussi le mois de la tonte des brebis et le début de la commercialisation des agneaux que Stéphanie mène à l’abattoir en fonction de la demande de ses clients. Ainsi, durant l’automne et jusqu’à Noël, certains auront la chance de se régaler de ce délicieux agneau de pré salé tant convoité.
*******************
Entre « Prés-salés du Mont Saint-Michel » et « Grévins », que choisir ?
L’agneau de pré salé se distingue par une viande au goût iodé et un gras très blanc grâce aux plantes halophiles. Le carbonate de calcium contenu dans les embruns génère une moelle osseuse plus sèche et plus dure, la vitamine E aux propriétés antioxydantes une maturation jusqu’à 3 semaines qui offre une viande plus tendre.
Deux labels coexistent dans la région qui correspondent à des agneaux de race Suffolk, Charollais, Rouge de l’Ouest, Vendéen, Roussin, Cotentin et Avranchin, élevés dans les prés-salés de la Baie du Mont-Saint-Michel et de l’Ouest Cotentin.
Créée en 1985 par une association d’éleveurs locaux, la marque commerciale « Le Grévin » désigne des agneaux abattus après 60 jours minimum de pâturage dans les herbus éventuellement complémentés avec des fourrages, des céréales, des protéagineux et des oléagineux. L’AOP Prés-Salés du Mont Saint-Michel, obtenue en 2009, se distingue par des agneaux abattus après 70 jours minimum de pâturage dans les herbus, éventuellement complémentés avec des fourrages et des céréales produits dans la zone de l’AOP, garantis sans OGM.
Certains éleveurs comme Stéphanie Maubé font le choix d’élever leurs agneaux dans les règles de l’art sans pour autant dépendre de l’un de ces labels.
*******************
Adopter une Avranchine, c’est possible !
Suite au récent décès d’un éleveur passionné de la race avranchine, Stéphanie Maubé souhaiterait sauver le troupeau de brebis de l’abattoir. Mais comme, elle ne peut pas toutes les recueillir, elle est à la recherche de personnes qui pourraient en adopter avant la fin de l’été. Pour plus d’infos, contactez-la.
*******************
La Cotentine moderne, une marque créative
Titillée par son ancienne vie créative, Stéphanie n’a pas hésité à diversifier ses activités dans le but de valoriser le terroir. En plus des agneaux de prés salés, elle vend une délicieuse gamme d’infusions aux noms évocateurs et un vinaigre de cidre parfumé, qu’elle prépare avec les plantes sauvages cueillies l’été. Elle crée aussi des accessoires en laine de ses Avranchine, organise des visites-découvertes, des goûters et des concerts à la bergerie. Dans ses projets, une conserverie de légumes des maraichers voisins devrait bientôt voir le jour.
Pour plus d'infos et commande de produits :
La Cotentine Moderne - Les Salines - 50430 St-Germain sur Ay - Tél. : 06 60 72 18 52
www.lacotentinemoderne.fr
Reportage à retrouver dans le magazine Papilles n°44 de juin, actuellement en vente aux caisses des supermarchés.
Le bulot de la Baie de Granville, la star des plateaux
Vendredi, je vous ai proposé une petite recette idéale pour l'apéro, au bulot. Or, qui dit bulot, dit Normandie puisque 73% de la production française en sont originaires et 55% plus précisément de la Baie de Granville, avec en moyenne 6 000 tonnes pêchées par an. C'est même la première espèce de la criée de Granville elle-même.
Son nom aussi est d’origine normande et a supplanté le terme français "buccin", issu du nom scientifique de l’espèce, Buccinum undatum. Enfin, pour être exact, à Granville, on l'appelle le "ran", et rien que sur la façade ouest du Cotentin, le gastéropode porte une douzaine de noms locaux différents : "bavot"», "bavouse", "berland", "buccin", "calicoco", "chucherolle", "coglu", "coquecigrue", "goglu", "torion", "teurion"...
Même le mode de distribution (entier, dans sa coquille, vivant ou cuit) pratiqué en Europe provient du mode local. Il faut dire que le bulot fait partie de l’alimentation traditionnelle de la population qui le pêche à pied depuis des siècles. C'est dire si le bulot de la Baie de Granville est incontournable.
crédit photo : www.normandiefraicheurmer.fr
Une pêche historique
La répartition géographique de l’espèce Buccinum undatum s’étend sur une vaste zone qui va des rivages canadiens aux mers sibériennes. C’est
pourquoi le bulot est généralement commercialisé avec la mention « pêché en Atlantique Nord-est », sans plus de précision.
En Europe, même si le bulot est pêché depuis les années 80 au large de Saint-Malo et, plus récemment, de Saint-Brieuc, de Grandcamp, de Ouistreham et jusqu'à Boulogne sur Mer, c'est dans la Baie de Granville que se situe la principale zone de pêche. Entre le port de Diélette, au nord, et celui de Granville, au sud et pas beaucoup plus au large que Chausey et Jersey.
Les pêcheurs de la baie de Granville ont été les précurseurs de la pêche au bulot dès la fin du XIXème siècle. Mais ni ici, ni pour les vendre. Non, curieusement, l’origine de cette pêche est à rechercher du côté du Canada. En effet, en 1886, Terre Neuve décide d’interdire la vente d’appâts aux Français pour la pêche à la morue, ce qui les contraint à utiliser des bulots qu'ils pêchent, sur place, au casier.
Après-guerre, les pêcheurs comment à exploiter un gisement dans le secteur de Pirou, puis de Granville. Ils reprennent la technique au casier et développe un savoir-faire qui devient le modèle de la pêche au bulot.
Une pêche durable depuis 10 ans
Dans les années 70, la générosité de la mer semble inépuisable et les bulots sont prélevés sans se préoccuper du renouvellement de la ressource. Jusqu'à ce que la pêche commence à montrer des signes manifestes d’essoufflement. Entre 1994 et 2004, les rendements ont chuté de moitié. La profession engage alors une politique très volontariste de pêche raisonnée.
Dès 2004, les quotas sont revus à la baisse (de 350 kg par homme et par marée à 300kg, soit une diminution de 15 %). La pêche est fermée le dimanche, puis les jours fériés. En 2007, le temps de pêche est encore réduit, avec une fermeture totale au mois de janvier, période de repos biologique de l’espèce. A partir de 2008, le nombre de licences réduit, passant à 82 en 2007, 77 en 2009, 72 en 2013. Aujourd'hui encore, seuls 72 bateaux ont le droit de pêcher le bulot dans la baie. Enfin, en 2009, l’écartement des barrettes des grilles de tri augmente de 19 mm à 22 mm, ce qui implique une taille minimale de capture à 47-48 mm, supérieure à la taille réglementaire de 45 mm.
En protégeant la ressource et en améliorant les techniques de pêche, le stock est aujourd’hui en voie de reconstitution.
Depuis 2014, la pêcherie de bulot de la Baie de Granville est entrée officiellement dans la démarche « Pêche Durable » conforme aux standards internationaux du Marine Stewardship Council (MSC) et devrait être certifiée dans quelques mois. Devrait également sans suivre une IGP pour assurer au bulot de la Baie de Granville une reconnaissance au niveau européen et une protection de la dénomination. Avec l'appellation "bulot de la Baie de Granville", le consommateur aura ainsi la garantie d'un produit d'origine (avec un étiquetage clair et une traçabilité prouvée) et de qualité (ultra frais car pêche quotidienne et propre car environnement marin très sableux, qui explique l’absence de "goût de vase").
Pour autant, depuis 2013, on constate moins de ponte et plus de mortalité de bulots. Les deux derniers étés, la pêche a été moins abondante qu'auparavant. La cause ? Le réchauffement climatique. Le bulot est un coquillage d'eaux froides qui, d'après des expériences in vitro, se reproduit entre 5 et 7° et meure au-dessus de 10°. Personne ne peut donc prévoir avec certitude l'avenir de cette pêche dans la baie...